Alors que l’article L316-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) dispose qu’une personne victime de traite peut bénéficier d’une carte de séjour temporaire dans certaines occurrences, la jurisprudence administrative vient préciser les modalités de renvoi d’une victime d’un réseau de prostitution obligée de quitter le territoire français.
Le 7 juillet 1989, dans sa jurisprudence « Soering », la Cour Européenne des Droits de l’Homme a considéré contraire à l’article 3 de la CEDH l’extradition d’une personne vers un pays où elle risquait la peine de mort.
Au fil du temps, cet arrêt a amené les juridictions nationales à s’interroger sur la légalité des renvois d’étrangers en situation irrégulière vers des pays où ils risquaient la peine de mort ou des traitements inhumains ou dégradants (en ce sens notamment Conseil d’Etat 14 juin 2000 « Benmouhoub », requête 211532).
L’invocation de l’article 3 de la CEDH, en droit des étrangers, est d’ailleurs circonscrite au recours contre l’arrêté préfectoral fixant le pays de renvoi. Elle ne peut utilement être soutenue à l’encontre du refus de titre de séjour.
Dans l’espèce qui nous intéresse, Madame Mimoza X, ressortissante albanaise, s’est vu opposer un refus de titre de séjour, accompagné d’une obligation de quitter le territoire français, par le Préfet des Hautes-Pyrénées. L’arrêté préfectoral du 18 avril 2007, antérieur au décret du 13 septembre 2007 relatif à l’admission au séjour [...] des étrangers victimes de traite, fixait également comme pays de renvoi l’Albanie, dont Mme X est originaire.
Or Mme X, notamment par la production d’articles de presse, réussit à établir qu’elle fut incitée par des membres d’un réseau de prostitution à quitter son pays afin de se marier en Italie. Elle soutint devant le Tribunal Administratif de Pau la violation de l’article 3 de la CEDH, au motif que l’arrêté préfectoral, en fixant l’Albanie comme pays de renvoi, l’exposait à des représailles de la part de ce réseau.
Les juges du fond rejetèrent l’argument en première instance et, par un jugement du 12 juillet 2007, le tribunal de Pau confirmait la décision préfectorale.
Le recours introduit par Mme X devant la Cour Administrative de Bordeaux visait à contester le rejet du tribunal d’annuler le refus de titre, l’obligation de quitter le territoire, et l’arrêté fixant le pays de renvoi. En suivant une jurisprudence constante, la cour ne retint l’invocation de l’article 3 de la CEDH qu’à l’encontre de ce dernier.
Considérant que le renvoi de Mme X en Albanie lui faisait encourir des risques de traitements inhumains ou dégradants, les juges d’appel ont annulé, dans un arrêt du 5 février 2008 (n° de requête 07BX01703 « Mme X contre Préfet des Hautes-Pyrénées »), l’arrêté préfectoral fixant le pays de renvoi.
On regrettera que les décisions administratives n’aient pas donné lieu à une interprétation des agissements dont Mme X a été victime, notamment à la lumière de la directive n°2004/81/CE du 29 avril 2004 relative aux titres de séjour [...] accordés aux ressortissants victimes de traite et à celle de l’article L316-1 du CESEDA adopté le 24 juillet 2006, mais les juges n’ont pas été amenés à apprécier la légalité du refus de titre sur ce fondement.