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Combattre les idées reçues, avec la CNCDH

La Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme (CNCDH) est rapporteur national sur la traite des êtres humains. Organe indépendant, elle veille en permanence à la mise en place d’une politique nationale cohérente de lutte contre la traite des êtres humains.

Plusieurs membres du Collectif « Ensemble contre la traite des êtres humains » sont membres de la  CNCDH à travers leur association (le Secours Catholique Caritas France, le COFRADE, la CIMADE, la Voix de l’enfant) ou en tant que Personnalité Qualifiée (Geneviève Colas).

Nicolas Bezin : Comment la CNCDH est-elle devenue rapporteur national sur la traite en France ?
Cécile Riou Batista : La traite des êtres humains est une violation grave et plurielle des droits de l’homme. Une victime de traite voit sa dignité et ses droits à la protection de la santé, à l’éducation, au travail dans des conditions dignes, au logement, à la liberté de circulation et d’accès au séjour bafoués. Il est naturel que l’institution en charge de la protection des droits de l’homme soit missionnée sur cette thématique-là. L’autre raison est que l’on a été la première institution publique en France à travailler sur la traite sous l’impulsion du milieu associatif et de plusieurs associations du Collectif « Ensemble contre la traite des êtres humains ».

La traite des êtres humains est une violation grave et plurielle des droits de l’homme. Une victime de traite voit sa dignité et ses droits à la protection de la santé, à l’éducation, au travail dans des conditions dignes, au logement, à la liberté de circulation et d’accès au séjour bafoués.

N. B. : En quoi consiste votre mission de rapporteur national sur la traite des êtres humains ?
C. R. B. : Selon la directive Européenne, les états sont obligés de nommer des rapporteurs nationaux sur la lutte contre la traite. C’est un mandat qui nous a été confié en 2014 au moment où a été adopté le premier plan national de lutte contre la traite. L’essentiel du travail est d’évaluer la politique publique en matière de lutte contre la traite. Nous approfondissons également la connaissance du phénomène en France : qui sont les victimes ? quelles sont les formes d’exploitation ? comment les victimes sont prises en charge ? Enfin, nous avons un rôle de sensibilisation auprès du grand public dans le but d’impliquer tout un chacun dans la lutte contre l’exploitation des personnes. 

N. B. : Quels sont les objectifs de la CNCDH par rapport à la traite ?
C. R. B. : Notre but premier est d’inciter à la mise en place d’une politique nationale cohérente, coordonnée et financée de lutte contre la traite en France. Ensuite, nous souhaitons sensibiliser les professionnels et le grand public, potentiellement en contact avec des victimes de traite, à leur identification, leur orientation et leur accompagnement.

Notre but premier est d’inciter à la mise en place d’une politique nationale cohérente, coordonnée et financée de lutte contre la traite en France.

N. B. : Quelles sont les actions qui en découlent ? 
C. R. B. : L’action classique de la CNCDH est la production de rapports et d’avis, assortis d’un certain nombre de recommandations, adressés aux pouvoirs publics. En termes de sensibilisation, nous créons des outils pédagogiques et nous assurons des formations. Enfin, nous militons à travers des plaidoyers pour inciter les institutions internationales à intervenir auprès de la France dans le but d’améliorer la politique nationale de lutte contre la traite. Nous faisons aussi du plaidoyer auprès des pouvoirs publics en France pour faire progresser la mobilisation contre ce phénomène. 

« Les idées reçues t’aveuglent, ouvre les yeux » 

Dans le cadre de sa mission de sensibilisation sur la traite des êtres humains, la CNCDH a créé un outil pédagogique destiné à montrer la réalité du phénomène en France, loin des idées que l’on s’en fait à priori.

Au départ destiné aux lycéens et étudiants, ce livret s’attaque aux idées reçues communément rencontrées sur la traite, argumentation, chiffres, citations et exemples concrets à l’appui.

Le guide commence par une définition illustrée de la traite afin de poser un cadre sur le sujet. S’en suit un petit état des lieux du phénomène. En fin de guide, un certain nombre de références et de contact permettent à ceux qui le désirent d’aller plus loin. Enfin, le guide se termine par quelques indications sur ce que l’on peut faire et ce que l’on ne doit pas faire, si l’on est confronté à une victime de traite.

La création de la forme graphique du support a été confiée à des élèves de l’école Estienne de Paris. En résulte un ensemble original et illustré interpelant le lecteur et agréable à parcourir.


Extraits

Idée reçue : « En France, la traite des êtres humains est un phénomène rare »
« À l’échelle mondiale, les organisations internationales estiment à 2 millions et demi le nombre de victimes de traite des êtres humains. Les enfants représenteraient près d'un tiers d’entre elles. »

Idée reçue : « Ce sont de grandes organisations criminelles, de type mafieux, qui organisent la traite des êtres humains »
« Selon l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime, le plus souvent, la traite des êtres humains n’est pas commise par des réseaux criminels hautement organisés, mais plutôt par des membres de la famille, des connaissances, des voisins, de petites entreprises... »

Idée reçue : « La  traite des êtres humains, cela ne me concerne pas »
« Le phénomène de la traite des êtres humains reste peu connu du grand public.
Cette méconnaissance nuit à l’identification des victimes et à la mise en place de systèmes de protection. Pourtant, un grand nombre de personnes peuvent, dans le cadre de leurs activités quotidiennes, être confrontées à des pratiques d’exploitation et à des victimes d’exploitation. »


L’impact de l’outil sur ses publics

L’outil fonctionne très bien auprès des jeunes lors des présentations dans les écoles ou les universités. C’est un bon support pour engager la discussion.

Il suscite la curiosité et interpelle le public qui se reconnait dans les idées reçues. C’est une excellente entrée en matière pour aborder le sujet de la traite des êtres humains.

Au-delà du public jeune, cet outil a également une bonne résonnance auprès des magistrats et professionnels lorsqu’il est présenté en formation. Certaines idées reçues sont aussi partagées par ce public, qui se sent donc concerné par le contenu. Il ouvre le débat sur le sujet de la traite et permet d’aborder la question.

> Télécharger le livret sur les idées reçues

Qu’est ce que la CNCDH

Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme.
C’est une institution indépendante de promotion et de protection des droits de l’homme créée en 1947 à l’initiative de René Cassin lors de la rédaction de la déclaration universelle des droits de l’homme.
Son mandat est très large et concerne les droits de l’homme et le droit international humanitaire.

Ce mandat s’articule autour de 3 grandes missions :

1. Le contrôle des engagements internationaux de la France en matière de droit de l’homme.

2. Le conseil auprès du gouvernement et des assemblées sur toutes les thématiques qui ont attrait aux droits de l’homme

3. L’éducation et la sensibilisation aux droits de l’homme de la petite enfance jusqu’à la fin de la vie.

A l’articulation des missions internationales et nationales, la CNCDH a 4 mandats :
Rapporteur national sur la lutte contre le racisme et l’antisémitisme
Rapporteur national sur la lutte contre la traite des êtres humains
Un mandat sur la politique publique de lutte contre les discriminations et la haine à l’égard des personnes LGBT.
Un mandat d’évaluation de la mise en œuvre des principes directeurs des Nations Unies sur « Entreprises et droits de l’homme ».


Article rédigé en collaboration avec Cécile Riou Batista
Secrétaire générale adjointe à la CNCDH / chargée de la coordination du mandat de rapporteur national sur la lutte contre la traite des êtres humains