Coordination : Geneviève Colas - genevieve.colas@secours-catholique.org - 06 71 00 69 90

La collaboration interacteurs pour lutter contre la traite des personnes

Le projet SAVE est destiné à lutter contre la traite par le travail au Maroc en partenariat avec les associations « terrain » et les institutions. Dans ce cadre, le Comité Contre l'Esclavage Moderne a organisé un atelier international dans le but d’échanger des bonnes pratiques et favoriser la coopération interacteurs.

Le séminaire a rassemblé des associations et des institutions de 7 pays : France, Maroc, Belgique, Tunisie, Sénégal, Côte d’Ivoire, Liban. Tous sont en bordure de Méditerranée et sont touchés par des problématiques de traite transnationale. Cette journée fut l’occasion d’échanger des pratiques et de s’inspirer des avancées de chacun.

Un contexte difficile et partagé

Un phénomène de traite encore trop méconnu
Pour la majorité des institutions et associations présentes, la question de la formation des agents publics reste préoccupante. la formation des fonctionnaires et magistrats sur la traite est importante afin que chacun comprenne les situations des victimes et réponde efficacement à leurs besoins.

Les acteurs préconisent la mise en place de plans de formation nationaux sur la traite, et la désignation de référents traite locaux dans les services publics pour intervenir favorablement auprès des victimes.

Un manque cruel de solutions d’hébergement
Dans tous les pays, les associations ont évoqué un manque de moyens en termes d’hébergement, en particulier pour les hommes victimes de traite par le travail.
Le Sénégal et la Côte d’Ivoire ont souligné les initiatives de la société civile qui tente de combler les absences de l’Etat en matière de logement.

Un investissement des services publics est nécessaire pour développer des solutions d’hébergement pour les victimes de traite nécessitant un toit ou une mise à l’abri.

Des preuves d’exploitation complexes à obtenir
Les infractions de traite par le travail sont difficiles à prouver. Bien souvent, l’exploitation se déroule dans un huis clos entre l’exploiteur et la victime. La procédure judiciaire dépend alors essentiellement des éventuels témoignages et de la parole de la personne exploitée.  

Il est donc non seulement indispensable de missionner des agents habitués à ce genre d’affaires sur ces enquêtes, mais aussi de favoriser l’accompagnement des victimes par les associations lors de la procédure judiciaire pour favoriser leur participation au procès et leur collaboration avec la justice.

Des victimes réticentes à s’investir dans la procédure judiciaire
En général, les victimes de traite éprouvent de la crainte vis-à-vis des autorités, soit par manque de connaissance, soit de par leur situation irrégulière, soit en raison des pressions exercés par l’exploiteur. Elles sont alors peu enclines à s’investir dans une procédure judiciaire pour obtenir justice.

L’intervention et l’accompagnement des associations permet de créer un lien de confiance avec les victimes, qui est indispensable pour qu’elles puissent collaborer sans crainte avec la justice.

Face à ces difficultés, les participants au séminaire ont néanmoins mis en valeur des initiatives inspirantes pour lutter contre la traite et prendre en charge les victimes.

Le rôle des associations dans l’avancée des enquêtes
 

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L’organisation des brigades spécialisées en Tunisie
En Tunisie, les brigades spécialisées dans les affaires de traite travaillent en collaboration avec les associations. Celles-ci signalent les situations repérées, et un psychologue de ces unités d’intervention est alors désigné pour entendre la victime et faire avancer l’enquête.

La création du lien de confiance avec la victime
En France, l’Office Central de Lutte contre le Travail Illégal collabore avec le CCEM dès le début des enquêtes. L’association prend en charge la victime dès l’intervention policière pour la mettre à l’abri et l’accompagner dans la procédure judiciaire. Le lien de confiance ainsi créé est fondamental en vue de la participation de la victime au procès.

Au final, ce dispositif permet à la personne d’accéder plus facilement à ses droits et favorise le déroulement d’un procès prenant en compte la gravité de l’exploitation et les préjudices subis.

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Des référents spécialisés à disposition des associations

La collaboration entre la police, l’inspection du travail et les associations terrain apparait aux yeux de tous fondamentale pour lutter contre la traite, et identifier, orienter et prendre en charge les victimes. Pour cela, en France, la Miprof travaille à la désignation de référents traite dans chaque préfecture, comme le spécifie le second plan d’action national de lutte contre la traite.

Cette disposition est une volonté partagée par tous les acteurs pour favoriser le travail des associations et répondre aux besoins des victimes, selon la complexité de leur situation d’exploitation.

La nécessaire collaboration entre avocats et associations dans la défense des victimes

La défense des victimes de traite nécessite une bonne connaissance de la complexité des contextes d’exploitation et des besoins spécifiques des personnes exploitées.

En collaborant avec les associations spécialisées, les avocats sont informés de ces particularités et sont en mesure de prendre efficacement en charge ce type d’affaire, tout en répondant au besoin d’accompagnement des victimes lors de la procédure judiciaire.

Tous ces exemples montrent le caractère indispensable de la collaboration entre institutions et associations pour lutter contre la traite et prendre en charge les victimes, en les plaçant au centre de cette coopération.

Le Comité Contre l’Esclavage Moderne- CCEM

Depuis 1994, le CCEM dénonce toutes les formes d’esclavage contemporain partout dans le monde.
Il assure un accompagnement social et juridique des victimes de travail esclave, et de traite à des fins économiques.

Fort de cette expertise, le CCEM forme et sensibilise les professionnels et le grand public et participe aux instances nationales et européennes pour améliorer les pratiques et la mise en application des lois et des politiques contre la traite.

En 25 ans, le CCEM a accompagné plus de 930 victimes au niveau national.
Le CCEM est membre du Collectif  "Ensemble contre la Traite des êtres humains".


Article rédigé en collaboration avec Roxane Ouadghiri Hassani, chargée de développement de projet au CCEM et coordinatrice pour le projet SAVE.