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L'hébergement des victimes de traite et la crise Covid-19

Un manque criant de solutions d’hébergement pendant le confinement

Pour les victimes de traite en sortie d’exploitation, la mise en sécurité dans un hébergement adapté est déterminante. Elle donne une stabilité nécessaire à la personne pour se reconstruire et se réinsérer socialement et professionnellement. Pendant le confinement, l’accueil et le suivi des victimes se faisait à distance mais les situations de vulnérabilité n’étaient pas moins urgentes. Cependant, ni le SIAO (Service Intégré d’Accueil et d’Orientation), ni le SAMU social (115), ni les structures d’hébergement n’étaient en capacité de fournir des solutions d’hébergement adaptées à ces personnes. 

Certains centres d’accueil n’accueillaient plus de nouveaux arrivants en raison du risque de contamination.

Les alternatives proposées par la société civile

Face à l’urgence de la situation, la société civile a accueilli un maximum de personnes dans ses propres structures et a sollicité ses réseaux d’hébergeurs citoyens. Seulement, ces derniers, inquiets de la propagation du virus, étaient pour la plupart réticents à l’idée d’accueillir quelqu’un chez eux. Les associations ont également tenté de financer des nuits d’hôtel aux personnes les plus vulnérables, mais ces initiatives restaient insuffisantes face aux besoins.

L’ultime recours au droit

Les travailleurs sociaux ont insisté auprès des victimes pour qu’elles sollicitent régulièrement le SAMU social au 115, quasi quotidiennement, afin que leur demande soit prise en compte et ne disparaisse pas parmi la multitude d’appels. Mais pour des personnes en grande précarité et à la rue, avoir un téléphone chargé et du crédit est souvent surréaliste. Leur fragilité psychique et leur méconnaissance de la langue française pour certains rend la tâche très difficile. 

C’est pourquoi des associations, comme le CCEM, ont envisagé pour certaines personnes en grande vulnérabilité de procéder par référés liberté. C’est un recours juridique adressé aux préfectures leur demandant de respecter le droit inconditionnel à l’hébergement pour tous.

Légalement, le tribunal administratif doit de fait proposer une solution d’hébergement à la personne sous 48h. En revanche, cette procédure ne prévoit aucune obligation par rapport à l’accompagnement social de la victime. Celle-ci peut être placée en hôtel social ou dans une structure ne lui offrant que très peu d’intimité (pas de cuisine, toilettes et douches collectifs…). Ce qui est souvent très difficile à vivre pour d’anciennes victimes de traite dont le vécu a été particulièrement traumatisant à ce niveau.

L’approche de la trêve hivernale

Aujourd’hui, la situation reste très compliquée. Les circuits d’hébergement classiques n’ont pas repris normalement. La trêve hivernale doit se terminer le 10 juillet, et certaines victimes vont perdre leur hébergement. 

Ce sont des situations extrêmement violentes pour elles, vécues comme une nouvelle exclusion.

Le fait de se retrouver une nouvelle fois dans une situation de vulnérabilité très instable est à la fois douloureux et angoissant. L’absence de protection leur donne également le sentiment qu’elles ne sont pas reconnues en tant que victimes d’exploitation.

La responsabilité des pouvoirs publics

Les victimes de traite en sortie d’exploitation ont besoin d’un hébergement immédiat respectant leur intimité, leur assurant une sécurité et une intimité après un vécu dans l’emprise des exploiteurs. Elles ont, besoin d’un accompagnement social individualisé, d’un accès aux soins, et d’un soutien psychologique qui leur permette de se sentir soutenues, sécurisées, et respectées. C’est ainsi qu’elles peuvent envisager leur propre reconstruction et s’engager dans un circuit d’intégration sociale et professionnelle. Aujourd’hui, ces solutions sont proposées par la société civile, ce qui est largement insuffisant au regard des besoins. 

Cela conduit régulièrement des victimes dans une errance impliquant un risque fort de ré-exploitation. La mise en danger de ces personnes est réelle, alors que les pouvoirs publics devraient assurer leur protection.

Un plaidoyer commun pour mobiliser les services publics

Désormais, ce combat unit la société civile et, les travailleurs sociaux des structures privées et publiques pour alerter ensemble les pouvoirs publics sur la situation des victimes de traite sans hébergement adapté et sur les risques que cela représente. 
Plaider collectivement, notamment dans le cadre du Collectif contre la traite,  auprès de la DDCS (Direction Départementale de la Cohésion Sociale) et des préfectures veut permettre de mobiliser les organismes publics sur ces questions afin de les inciter à repenser les dispositifs d’accompagnement des victimes de traite ou à mettre en place de nouvelles solutions.

Une personne qui bénéficie d’un cadre sécurisant et stable peut s’engager dans une démarche de résilience pour sortir d’exploitation et se réinsérer. En situation de vulnérabilité, l’accès à des solutions d’hébergement qui assurent ce cadre est encore plus complexe, c’est quasi impossible.

COVID-19 : la vie en confinement racontée par des personnes victimes de traite

Réalisée dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire de 2020 par des personnes accompagnées, bénévoles et salariés de l’association entre mai et juin 2020, cette vidéo livre le témoignage de 6 femmes et hommes accompagnés par le CCEM. Ils nous racontent leur quotidien, entre solitude, angoisses, monotonie et devoirs professionnels.

En savoir plus

S'évader du confinement....

Victimes, bénévoles, équipe, et conseil d'administration ont partagé la photo d'un objet, d'une activité, d'un plat qui les ont aidés à se sentir mieux pendant ces longues semaines d'enfermement.

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Le Comité Contre l’Esclavage Moderne- CCEM

Depuis 1994, le CCEM dénonce toutes les formes d’esclavage contemporain partout dans le monde. Il assure un accompagnement social et juridique des victimes de travail esclave, et de traite à des fins économiques. Fort de cette expertise, le CCEM forme et sensibilise les professionnels et le grand public et participe aux instances nationales et européennes pour améliorer les pratiques et la mise en application des lois et des politiques contre la traite.  En 25 ans, le CCEM a accompagné plus de 850 victimes au niveau national.
Le CCEM est membre du Collectif  "Ensemble contre la Traite des êtres humains".


Article rédigé en collaboration avec Jérémie Rochas, travailleur social au CCEM