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La prise en charge psychologique des victimes

Les victimes de traite ont subi au cours de leur parcours de vie de nombreux traumatismes. Ils ont parfois une origine antérieure à l’exploitation (excision, violence conjugale, négligence ou maltraitance familiale, parcours migratoire…). Pour la plupart des victimes, cette accumulation a des conséquences graves sur leur psychisme et nécessite un accompagnement dans la durée.

Les symptômes psychologiques fréquemment rencontrés

Ils sont différents d’une personne à l’autre et dépendent de son parcours de vie et de la qualité de ses premiers attachements, de ses ressources internes, du soutien qu’elle va recevoir et de la précarité dans laquelle elle se trouve. 

En voici quelques exemples : 

  • Reviviscence des événements traumatiques en permanence (rêves répétitifs, flashbacks, pensées intrusives et envahissantes…). 
  • Stratégies d’évitement (tentatives pour ne pas penser ou ressentir des éléments qui peuvent les ramener au traumatisme, déconnection de leurs émotions, déni des souffrances, volonté d’oublier, difficulté pour parler du vécu traumatique). 
  • Grande anxiété, frayeur, état d’hyper vigilance…
  • Troubles dissociatifs post-traumatiques (la dissociation est l’état de conscience modifié qui permet à une personne traumatisée de se couper de son corps pour ne pas ressentir l’insupportable). Ils peuvent devenir un mode de défense habituellement utilisé contre les intrusions psychotraumatiques pour éviter les phénomènes de reviviscence anxieuse. A l’extrême, la dissociation  peut mener à l’évanouissement, ce qu’une jeune femme Nigériane a vécu après avoir fait un cauchemar violent de son réseau. 
  • Troubles du sommeil, cauchemars
  • Plaintes somatiques :  maux de tête, mal dans tout le corps, sensations de fatigue, impressions désagréables « envie de vomir » , « sensation de chaleur », «  le cœur qui se serre avec la sensation d’étouffer »
  • Incapacité à gérer leurs émotions (colère, impulsivité)
  • Problèmes, troubles de concentration
  • Atteintes narcissiques et identitaires 

La symptomatologie des victimes de la Traite est évolutive et dépend des facteurs de stress auxquels elles sont confrontées : peur et pressions en lien avec le réseau et le vaudou, procédures de régularisation et procédures pénales, contacts avec la famille…

La Mémoire traumatique  

La mémoire traumatique correspond à la trace laissée dans le corps et dans le psychisme par les violences physiques et psychologiques. Cette mémoire est réactivée régulièrement, notamment lorsque les victimes doivent raconter leur récit à de multiples reprises : dépôt de plainte, demande d’Asile, devant les magistrats, les associations qui les accompagnent, l’aide sociale à l’enfance… 

Certains personnes traumatisées ressentent alors  une émotion intense comme si elle revivait l’évènement dans le présent. 

D’où l’importance d’une prise en charge globale articulant accompagnement psychologique et social. Cette complémentarité permet de préparer la victime à chaque étape de son parcours et de l’adapter à son état psychique. 

Approche globale et multidisciplinaire

La mise à l’abri physique est une condition nécessaire mais pas suffisante pour apporter aux personnes le sentiment de sécurité, primordial pour la santé mentale. 

Prendre en charge les traumatismes complexes présentés par les victimes de Traite des Etres Humains et les aider à se reconstruire peut nécessiter des mois, voire des années dans certains cas. Une prise en charge globale et un environnement rassurant sont indispensables pour soutenir la résilience de chaque victime. 

Proposer une thérapie intégrative adaptée aux Victimes de traite des êtres humains 
La traite des êtres humains en tant que système d’exploitation de la personne a des conséquences d’ordre psychologique et psychiatrique sur la santé des femmes, il est indispensable de pouvoir proposer une prise en charge psychologique adaptée et complète (thérapie individuelle, ateliers, traitement médicamenteux) lors des moments de crise mais aussi sur le moyen terme et le long terme.

Fondements pour une thérapie avec les victimes de traite des êtres humains 

  • Construire une relation thérapeutique suffisamment bonne (assurer une sécurité psychique) et prenant en compte la langue et la culture de la personne 
  • Permettre d’exprimer les sentiments et émotions autour du vécu de la personne : sentiment de honte, sentiment de culpabilité, sentiment d’injustice, sentiment de peur … 
  • Normaliser les conséquences du trauma 
  • Aider la personne à surmonter les traumatismes liés à la situation de prostitution et d’exploitation ou à des situations de maltraitance passées. 
  • Travailler autour de l’acceptation de sa propre histoire et de ses choix de vie en soutenant les capacités propres à chaque personne. 
  • Revaloriser et reconstruire l’estime de soi et les capacités relationnelles en vue d’un épanouissement et d’un mieux-être. 

La stabilisation 
Avant de travailler sur les traumatismes, il est utile de stabiliser l’état émotionnel dans lequel les victimes se trouvent. L’objectif premier est alors de diminuer les troubles dont elles souffrent. Des techniques issues de la relaxation ou de la sophrologie peuvent être utilisées dans ce sens.

La position victimale
De nombreuses victimes ont intériorisé le fonctionnement de leur exploiteur. Ce qui les conduit à se sentir responsable de leur situation et à nier les souffrances vécues, elles perçoivent le/la proxénète comme protecteur. La position victimale c’est-à-dire le fait de se reconnaître soi-même en tant que victime ne peut être élaboré. 
Evoquer avec elles les faits témoignant des véritables intentions de l’exploiteur sur leur personne : fausses promesses, manipulation, violences… permet de comprendre le système d’emprise dans lequel elles étaient afin de les aider à se distancier de leur réseau, d’adhérer à une prise en charge et dans certains cas s’impliquer dans une démarche judiciaire plutôt que se mettre en danger ou répéter la situation d’exploitation. 

Les ateliers thérapeutiques

Certaines femmes sont réfractaires à une prise en charge psychologique pour des raisons culturelles, linguistiques, ou du fait de leurs traumatismes. Des ateliers et groupes de parole comme alternatives aux psychothérapies individuelles peuvent être plus adaptés. Le but est de proposer des moments d’expression qui ne soient pas uniquement basés sur la parole et l’écoute et d’éviter le repli sur soi en favorisant des activités de groupe.

L’Art Thérapie

L’atelier « métamorphose »
L’atelier maquillage permet de modifier le rapport au corps qui a longtemps été un corps sacrifié et exploité, un corps objet. C’est un atelier de maquillage au cours duquel les femmes vont créer quelque chose sur leur propre visage face à un miroir. Les thèmes proposés sont volontairement éloignés de leur situation traumatique (les éléments : feu, terre, eau, air, la liberté, le bonheur, la femme …). Les femmes ont ensuite l’occasion d’expliquer aux autres ce qu’elles ont voulu exprimer. 

La danse thérapie
C’est un atelier d’expression corporelle qui permet de se réconcilier avec son propre corps et l’image de soi en dépassant la crainte du regard des autres.

Cet atelier apporte beaucoup de bénéfice aux femmes très complexées par leur corps. C’est pour elles une occasion de reprendre confiance en elles. 

Prendre soin du corps

Pour ces femmes qui ont subi des violences physiques et sexuelles, les ateliers autour des soins apportent des moments de détente.  

Les séances de massage permettent de se réconcilier avec des sensations physiques agréables et remettent de la confiance en l’autre en le laissant intervenir de façon bienveillante sur son propre corps.

La prise en charge psychiatrique

Certaines victimes présentent des troubles dépressifs, anxieux, des idées suicidaires qui nécessitent un traitement et un suivi psychiatrique. Toutefois, les orientations sont complexes du fait des résistances des victimes et des freins du côté des professionnels ( barrière linguistique et culturelle, peur de la psychiatre, manque de formation ou d’intérêt des professionnels pour le public de la Traite, conditions administratives, délai pour un premier rendez-vous inadapté à l’urgence de certaines situations …) 
Certaines associations développent des partenariats locaux, avec des Centres Médicaux Pédagogiques ou des associations spécialisées dans la prise en charge des traumatismes mais il existe une grande disparité des offres de soins sur le territoire national. 

Le financement des soins psychologiques des victimes

A ce jour, il n’y a pas de dispositif public prévoyant l’accompagnement psychologique des victimes de traite. Celui-ci est donc dispensé par les associations. Il leur revient de trouver des financements publics ou privés pour mener leur action.

Les contrats obtenus sont souvent des conventions annuelles assez précaires. Ce qui rend difficile le travail dans la durée, qui est un élément clef de l’accompagnement psychologique des victimes de traite.
 

psy

AFJ

C’est un foyer qui accueille des femmes victimes de traite à des fins d’exploitation sexuelles.
Il inclut un service de prise en charge psycho sociale des femmes accueillies.

Article écrit en collaboration avec Céline Huard
psychologue clinicienne au foyer AFJ depuis 2007.
Elle assure la prise en charge psychologique des femmes accueillies.