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Adapter les propositions d’hébergement aux besoins spécifiques des victimes de traite

En sortie d’exploitation, les victimes de traite ont immédiatement besoin d’un toit pour éviter les situations de rue et les risques de réexploitation. Dans l’urgence, les solutions trouvées permettent aux personnes d’accéder à un hébergement, la plupart du temps en hôtel social ou en centre d’hébergement d’urgence.

Mais ces solutions temporaires ne sont pas adaptées aux victimes de traite des êtres humains, qui, en plus de la mise à l’abri, ont besoin d’un accompagnement soutenu pour se reconstruire et envisager un projet d’insertion sociale et professionnelle.

Des réponses insuffisantes pour les victimes de traite

La précarité de l’accueil 
Les hôtels sociaux et les centres d'hébergement d'urgence sont des solutions prévues pour être temporaires, en attendant une prise en charge plus adaptée. Elles ne garantissent pas un accueil sur le long terme et peuvent prendre fin soudainement, en raison de la fin de la trêve hivernale ou de la prise en charge. Cela place les victimes dans une insécurité permanente, sous la menace de retourner en rue.

Dans ce cadre, il est impossible aux personnes de se projeter sur le long terme et d’envisager un projet d’insertion sociale sur la durée.

Un accueil collectif privant les victimes de leur intimité
En centre d'hébergement d'urgence, les personnes sont souvent hébergées en chambres collectives de 3 à 6 personnes.
Pour des personnes ayant vécu l’exploitation dans des conditions de vie précaires sans aucune intimité, cet accueil ne leur permet pas de retrouver leur dignité.

Des questions de salubrité en hôtel social
Beaucoup de victimes sont hébergées dans des conditions préoccupantes concernant la salubrité. De nombreux signalements concernent la présence de cafards, de souris ou rats, de moisissures… Seulement, il est souvent nécessaire d’en arriver à des cas extrêmes pour que les autorités réagissent et prennent le problème en main, ce qui place parfois les personnes en situation de réel danger.

L’isolement en hôtel social
En général, lorsque les victimes obtiennent une chambre individuelle, elles sont satisfaites de retrouver un espace personnel. 

Mais sans lien social, elles se retrouvent isolées, incapables de surmonter seules les traumatismes vécus.

Un accompagnement insuffisant
En sortie d’exploitation, les victimes de traite ont besoin d’un accompagnement spécifique, quasi quotidien, pour se reconstruire et envisager un nouveau projet de vie. 

Il doit prévoir :  

  • Une réponse aux besoins primaires (nourriture et vêtements)
  • Un accès aux soins et un soutien psychologique 
  • Un apprentissage de l’autonomie au quotidien 
  • Une aide juridique dans le dépôt de plainte et le processus de régularisation
  • Un environnement social bienveillant permettant de tisser des liens positifs et de retrouver de la confiance en l’autre
  • Des propositions d’activités collectives, pédagogiques, créatives, ludiques, de loisirs, afin de retrouver du plaisir, de l’estime de soi, et la capacité à s’investir dans un projet
  • Un suivi dans la construction d’un projet professionnel

Mais en hôtel social, aucun accompagnement n’est prévu. En centre d'hébergement d'urgence, il est largement insuffisant et inadapté aux besoins spécifiques des victimes de traite.

Des aménagements possibles pour adapter les solutions d’accueil aux victimes de traite

Des équipes mobiles chargées de l’accompagnement social des victimes
En cas de placement en hôtel social ou centre d'hébergement d'urgence, il faudrait intégrer un accompagnement social dédié aux victimes de traite. Celui-ci pourrait être assuré par des équipes mobiles du SAMU social, formées spécifiquement à la question de la traite.

Cette solution implique une présence quasi quotidienne auprès des personnes accueillies pour apporter une aide complète répondant à l’ensemble des besoins des victimes.

Créer des solutions d’hébergement dédiées aux victimes de traite
Les structures d’accueil des victimes de traite doivent prévoir : 

  • Des espaces communs partagés entre colocataires (salons, séjours, cuisine) permettant aux personnes de recréer une vie sociale et de s’autonomiser en groupe
  • Des chambres individuelles respectant l’intimité de chacun
  • Un accompagnement social soutenu assuré par des équipes composées de travailleurs sociaux, de psychologues, d’infirmières, accompagnant les personnes au quotidien.

Aujourd’hui, en France, les structures d’accueil spécifiques pour les victimes de traite (comme celle du CCEM pour les victimes d’exploitation par le travail) sont des initiatives de la société civile financées en grande majorité par des organisations privées (fondations, autres associations).

Elles manquent de moyens pour répondre à toutes les demandes mais assurent un accompagnement individualisé essentiel pour adapter l'hébergement aux besoins spécifiques des victimes. 

 

Le Comité Contre l’Esclavage Moderne- CCEM

Depuis 1994, le CCEM dénonce toutes les formes d’esclavage contemporain partout dans le monde.
Il assure un accompagnement social et juridique des victimes de travail esclave, et de traite à des fins économiques.

Fort de cette expertise, le CCEM forme et sensibilise les professionnels et le grand public et participe aux instances nationales et européennes pour améliorer les pratiques et la mise en application des lois et des politiques contre la traite.

En 25 ans, le CCEM a accompagné plus de 930 victimes au niveau national.
Le CCEM est membre du Collectif  "Ensemble contre la Traite des êtres humains".


Article rédigé en collaboration avec Jérémie Rochas, travailleur social au CCEM