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Protéger et non punir : le principe de non sanction des victimes de traite

Les victimes, en particulier les enfants, doivent être protégées et non punies.

Mme  Slobhan Mullally, Rapporteure Spéciale de l’ONU sur la traite des êtres humains en particulier les femmes et les enfants, a présenté lors de la quarante septième session du Conseil des droits de l’Homme des Nations Unies son rapport sur la mise en œuvre du principe de non sanction concernant la traite des êtres humains réalisé avec l’apport des Etats membres, de la société civile, des organisations internationales, d'universitaires, d'experts…

Il est important de veiller à ce que les plus touchés, survivants et victimes, orientent nos réponses à la grave violation des droits de l’homme que représente la traite des êtres humains.

"Punir une victime marque une rupture avec les engagements pris par les États de reconnaître la priorité des droits des victimes à l'assistance, à la protection et à des recours effectifs" a-t-elle indiqué.

Le principe de non sanction des victimes de traite des êtres humains joue un rôle essentiel et marque un tournant dans la reconnaissance de la traite des êtres humains. Ce principe veille à ce que les victimes de traite ne soient pas réprimées pour des actes illicites commis en conséquence de la traite.

Etant donné les traumatismes endurés et la peur de représailles par les trafiquants, la peur supplémentaire de poursuites et de sanctions ne peut qu’empêcher les victimes d’obtenir protection, assistance, et justice. 

La répression des victimes sape également la lutte contre l’impunité pour la traite des êtres humains car elle cible les victimes plutôt que les auteurs et limite l’efficacité des enquêtes. Le non-respect du principe de non sanction des victimes de traite entraine de graves violations des droits de l’homme, notamment la détention, les retours forcés et le refoulement, la privation arbitraire de la citoyenneté, l’endettement lié aux amendes infligées, la séparation des familles et les procès inéquitables. En définitive, la sanction empêche les victimes de se remettre et constitue pour elles un déni d’accès à la justice. Elle limite aussi l’efficacité des mesures de prévention et n’incite guère les Etats à s’acquitter de leurs obligations en la matière.

Faciliter l'accès des victimes à la justice

L’Assemblée Générale des Nations Unies, consciente de ces problèmes, a appelé – dans le Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières – les Etats à faciliter l’accès des victimes la justice et à permettre à celles-ci de dénoncer les infractions sans avoir à craindre d’être arrêtées, expulsées ou punies. Cependant malgré ces appels répétés, les Etats n’appliquent pas suffisamment le principe de non sanction, dont la portée et le contenu sont contestés.

Il est important d’éliminer la discrimination (raciale, handicap, genre-femme, âge) dans toutes les mesures de lutte contre la traite. Les personnes étrangères sont surreprésentées.

Il est essentiel de reconnaître que les sanctions peuvent revêtir de nombreuses formes et qu’elles peuvent avoir une incidence tout au long de la vie, menaçant la vie ultérieure des personnes victimes.

Toutes les sanctions y compris administratives doivent être levées, qu’il s’agisse d’amendes par exemple ou de l’inscription au casier judiciaire ; et il faut pour cela que les victimes aient accès à une aide juridique pour éviter tout fardeau inutile. 

Les sanctions qui ne devraient pas exister pour les victimes de traite concernent, par exemple : 

  • L’exclusion du statut de réfugié,
  • Le refus d’autre aide en matière d’immigration,
  • La privation arbitraire de nationalité, la coupure de prestations sociales,
  • Le non-paiement en matière santé, le refus d’assistance consulaire.

Ces sanctions risquent de re-victimiser les personnes qui devraient être considérées en tant que victimes et non en tant que menaces. Une priorité doit être donnée à la réinsertion des enfants victimes de traite qui ne doivent pas être retenus ou détenus.

Le membre de la Représentation permanente de la France auprès des Nations Unies à Genève, François GAVE, suite à l’exposé de ce rapport, a dit l’engagement de la France pour combattre la traite et l’implication de la France en tant que Présidente de l’Alliance 8.7 des Nations Unies (partenariat mondial engagé à atteindre la cible 8.7 des objectifs de développement durable à l’horizon 2030 contre le travail forcé, l’esclavage moderne, la traite des êtres humains et le travail des enfants). Il a interrogé la Rapporteure sur les mesures concrètes recommandées pour appliquer le principe de non-sanction aux victimes de traite.

Geneviève Colas, du Secours Catholique Caritas France qui coordonne le Collectif « Ensemble contre la traite des êtres humains » est intervenue pour Caritas Internationalis.

Elle a indiqué que le principe de non-sanction est important pour protéger les droits des victimes de traite, mais que celui-ci n’est pas présent dans la législation interne d’un grand nombre d’Etats malgré les sociétés civiles qui, au contact des personnes victimes, ne peuvent que constater les répercussions de sanctions subies.

C’est aussi un échec en matière de justice pour la société car cela permet aux trafiquants de ne pas être inquiétés et de poursuivre leurs méfaits.
Elle a insisté en particulier sur l’urgence de promouvoir la non-sanction des enfants victimes de traite, très jeunes ou presque adultes, utilisés dans des cambriolages, des trafics de stupéfiants, ou des activités violentes liées à des conflits.

Ces mineurs devraient avoir accès à la protection de l’enfance sociale, juridique, éducative, dans le domaine de la santé, et on les retrouve malheureusement parfois en détention, doublement victimisés. Elle a invité les Etats, la communauté internationale et les différents acteurs des sociétés civiles à s’engager pour :

  1. Appliquer le principe de non-sanction à toutes les victimes de traite. Et ne jamais considérer une personne comme délinquante dans le cadre d’infractions commises en tant que victime de traite.
  2. Mettre en place, de façon effective, dans chaque pays, un mécanisme de référence pour l’identification, l’orientation et la prise en charge des victimes.  Et former les personnels de la police, la justice, l’éducation, la santé, …
  3. Mettre fin à la procédure, effacer le casier judiciaire, libérer immédiatement une personne victime de traite qui a été inquiétée à tort. 
  4. Mener une politique d’insertion adaptée à chaque personne victime.

La France, particulièrement concernée en tant que candidate pour être un « pays pionnier dans le cadre de l’Alliance 8.7 » devrait être exemplaire pour appliquer le principe de non-sanction aux victimes de traite.

Pour l'intervention du Secours Catholique pour Caritas Internationalis (à 2:59:50)
Pour le rapport de la Rapporteure  (à 1.44.00)
Pour le rapport de la France (à 2:04:32)

L'intervention de Caritas Internationalis (dont est membre le Secours Catholique - Caritas France) lors de la 47ème session du Conseil des droits de l'Homme de l'ONU
Télécharger le rapport de la rapporteure spéciale sur le principe de non-sanction des victimes de traite