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Accompagner les mineurs contraints à commettre des délits pendant et après le confinement

La récente crise sanitaire a nécessité une adaptation importante de l’accompagnement des mineurs dans le but de maintenir le lien avec eux. Rencontre avec une psychologue d’une association.

Nicolas Bezin : Comment avez-vous prolongé le suivi des victimes de traite pendant le confinement ?
Hortense Bret : Il faut savoir que les mineurs que nous rencontrons et qui sont contraints à commettre des délits sont rarement en demande d’un suivi psychologique. Ils sont plutôt dans le déni de leur besoin à ce niveau-là. Ils disent ne pas en avoir besoin ou que "c'est pour les fous".

Notre rôle est donc d’éveiller la possibilité d'être accompagné, en tissant avec eux une relation de confiance, basée sur l'informel et propice aux échanges personnels. C’est ainsi qu’ils se livrent petit à petit et qu'un soutien peut s'amorcer.

Par ailleurs, pendant le confinement, certains d’entre eux sont rentrés en Roumanie ou dans d'autres villes en France, ce qui a compliqué le maintien du lien. Cependant, nous avons pu mettre en place un suivi téléphonique auprès des jeunes que nous accompagnons en temps normal, et entretenir la relation via les réseaux sociaux tels que WhatsApp et Facebook. 

N.B. : Quel était le contenu de ce suivi en période de confinement ?
H.B. : Au départ, les jeunes étaient persuadés que l'épidémie  et la possibilité d'avoir la Covid-19 ne pouvait les atteindre. Lorsque l’on est adolescent, les questions de la mort et de la maladie sont parfois lointaines. Ils ne voyaient donc pas l’intérêt du confinement ou du respect des gestes barrières. 

L’essentiel de notre accompagnement a donc été de faire de la prévention et de la sensibilisation sur la réalité de l’épidémie, sur le virus lui-même, et sur l’intérêt de se protéger de ce dernier. Il a fallu déconstruire les représentations des jeunes pour leur faire prendre conscience que la situation les concernait.

N.B. : Cette période a-t-elle modifié la relation que vous entreteniez avec les victimes de traite ?
H.B. : En effet. D’habitude, notre accompagnement se fait essentiellement en rue et en groupe. Le confinement a individualisé la relation avec les jeunes, de manière virtuelle par l 'utilisation des réseaux sociaux et/ ou des appels téléphoniques. 

Nous avons donc pu travailler des problématiques plus personnelles avec chacun, à l’abri du regard et de la pression du groupe. Cela a incité certains jeunes à se livrer plus facilement.

N.B. : Le confinement a-t-il été l’occasion pour les victimes d’exploitation de remettre en cause leur activité dans le but de s’extraire de leur situation de traite ?
H.B. : Certains d’entre-eux ont émis, pendant cette période, le désir de faire autre chose de leur vie. Pour le moment, ils sont en demande d’activités sportives, mais en filigrane, ils ont cette intention latente d'entreprendre des formations.

Certains d’entre-eux ont émis, pendant cette période, le désir de faire autre chose de leur vie.

N.B. : Le suivi des jeunes à distance pendant la crise sanitaire vous a-t-il donné des idées pour améliorer votre accompagnement par la suite ? 
H.B. : Tout d’abord, nous allons continuer à utiliser les réseaux sociaux pour maintenir un lien informel et spontané avec les jeunes. Nous ne le faisions pas aussi couramment auparavant car cela nous posait des questions éthiques. Seulement, cette période nous a amené à réfléchir sur notre posture et à prendre conscience des bénéfices que nous pouvions en tirer, à condition de les utiliser à bon escient. Aujourd’hui, nous utilisons davantage le profil Facebook de l’équipe d’Hors la rue qui est destiné à rester en contact avec les mineurs accompagnés. Nous restons prudents sur notre façon de l’utiliser, veillant à ne pas évoquer des éléments personnels du jeune  car nous ne savons pas toujours qui pourra lire ce que nous notons. Nous utilisons également des appels vidéo quand le jeune n’a pas la possibilité d’écrire ou d’envoyer un message. 

Nous allons continuer à utiliser les réseaux sociaux pour maintenir un lien informel et spontané avec les jeunes

N.B. : Qu’avez-vous pu tirer de cette période particulière que nous venons de traverser ?
H.B. : Elle a aussi été l’occasion de porter une réflexion sur la façon dont nous accompagnons les jeunes. 

Nous cherchons à mieux intégrer la façon dont le jeune s’inscrit dans le groupe, sa communauté et le lien qu’il a avec sa famille dans notre suivi.

Vidéo utilisée pour sensibiliser les jeunes aux gestes barrières 

Vidéo santé et droit, en partenariat avec la Ville de Paris, le Département de Seine-Saint-Denis et Vers Paris sans sida en arabe et en roumain

Association Hors la Rue

Objectif
Depuis 2004 Hors la Rue a pour objectif d’accompagner les mineurs étrangers en danger vers le droit commun (parmi lesquels des mineurs présumés victimes de traite des êtres humains)

3 missions principales
Repérer les mineurs étrangers en danger,
Accompagner les jeunes vers le droit commun
Participer à une meilleure connaissance et prise en charge des problématiques des jeunes que nous accompagnons.

3 modalités d’actions
Des maraudes quotidiennes effectuées par une équipe pluridisciplinaire sur les lieux d’activité, de pause, d’errance et de vie.
Un centre d’accueil de jour.
Des permanences psychosociales en détention auprès de mineurs que nous avons déjà rencontrés en rue, en partenariat avec la Protection  Judiciiare de la Jeunesse.
 


Interview de Hortense Bret, psychologue à l’association Hors la Rue