Les associations du Collectif "Ensemble contre la traite des êtres humains étaient invitées avec d'autres organisations à une réunion de présentation des données administratives et de l'enquête menée auprès des victimes de traite des êtres humains accompagnées par les associations en 2022, en cette Journée européenne de lutte contre la traite des êtres humains 2023.
Madame Bérangère COUILLARD, ministre* qui a dans son portefeuille la lutte contre la traite des êtres humains sous toutes ses formes et pour tous les publics s'est excusée.
C'est donc après les présentations de Madame Roxana MARACINEANU, Secrétaire générale de la Mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains (Miprof) chargée de coordonner les acteurs dans ce domaine et de Madame Christine GONZALEZ-DEMICHEL, Inspectrice générale de l’INSEE, cheffe du Service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI) que Geneviève Colas est intervenue pour le Collectif "Ensemble contre la traite des êtres humains coordonné par le Secours Catholique Caritas France. Puis les deux enquêtes de la société civile et des données administratives ont été présentées.
Monsieur Jean-Marie BURGUBURU, Président de la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme, institution indépendante chargée de l’évaluation des politiques de lutte contre la traite en France pour les institutions internationales était présent. Ci joint le communiqué de presse de la CNCDH du 13 octobre concernant le retard du Plan national contre l’exploitation et la traite des êtres humains qui avait été annoncé pour le 18 octobre et qui pour la société civile tarde trop à venir après 2 longues années.
> Voir le communiqué de presse du 13 octobre de la CNCDH
Le message que le Collectif a adressé aux représentants des institutions en cette Journée de lutte contre la traite
Mieux connaître la traite des êtres humains sous toutes ses formes, comprendre son évolution au cours des dernières années : ceci est primordial afin de prévenir et lutter efficacement contre ce fléau.
C’est pourquoi le Collectif « Ensemble contre la traite des êtres humains » coordonné par le Secours Catholique - Caritas France avec ses associations et d’autres qui nous ont rejoints au fil des années ont contribué à la création et s’investissent depuis 7 ans dans l’enquête annuelle sur les victimes de traite des êtres humains accompagnées par les associations en France.
En 2022, près de 4500 victimes ont été repérées par 73 associations. L’enquête porte sur 2675 personnes victimes de traite qui ont été accompagnées par 69 associations.
Mais nous le savons, ce ne sont qu’une partie des victimes présentes en France trop souvent invisibles qui n’ont pas toujours elles-mêmes conscience d’être victimes. Et nous espérons qu’un mécanisme national de référence pour l’identification, l’orientation et l’accompagnement des victimes verra bientôt le jour en France comme il existe dans de nombreux pays.
Nous voulons saluer, en cette troisième année consécutive, la présentation conjointe de cette enquête avec l’étude sur les données administratives relatives à la traite et à l’exploitation des êtres humains.
Etudier les données des associations et celles des institutions permet non seulement de mieux connaître le phénomène mais de pouvoir croiser une approche des victimes, des exploiteurs -clients ou réseaux- et ainsi de mieux accompagner les victimes et éradiquer le phénomène.
> Télécharger le document sur le profil des personnes victimes de traite accompagnées par les associations en 2022
> Télécharger le document "La traite et l’exploitation des êtres humains en 2022 : une approche par les données administratives"
L’enquête 2022 nous est présentée ce jour. Nous sommes conscients des limites de cette enquête. Je ne citerai ici que quelques unes.
La question des mineurs victimes de traite à des fins d’exploitation sexuelle apparait peu alors que nous savons aujourd’hui que le nombre d’enfants concernés est beaucoup plus important.
Sur la question de l'hébergement, les chiffres avancent le pourcentage de personne orientées vers l'hébergement adapté, alors que les places en hébergement adapté ne sont pas suffisants. La problématique d'hébergement adapté reste importante du fait du peu de place dont on dispose en France (AcSé, AFJ, CCEM, AdN...) notamment pour les hommes victimes de traite. Un hébergement de type Centre d’Hébergement d’Urgence sans aucun accompagnement individualisé ou des professionnels formés sur l’accompagnement de victimes de traite ne peut pas être considéré comme un hébergement adapté. Enfin, ce taux assez élevé laisse vraiment penser que le problème d'hébergement adapté ne se pose pas puisque les victimes y ont déjà accès. Ce qui ne correspond pas du tout à la réalité.
Autre exemple, les sources de signalement 'professionnels' (on cite la gendarmerie et la police mais il devrait y avoir aussi l'inspection du travail).
En ce qui concerne les victimes de traite des êtres humains par le travail, malgré une augmentation du nombre d'associations répondantes sur l'enquête et le nombre global de victimes accompagnées qui augmentent, le chiffre concernant la traite des êtres humains par le travail est lui en baisse. Ce qui ne correspond pas à la réalité, mais au fait qu'une des associations qui en accompagnait un grand nombre n’a pas répondu cette année et cela s’explique par le fait que le manque de moyens alloués aux associations les met en difficulté et donc réduit les possibilité d'accompagnement de victimes d'autres formes d'exploitation que l'exploitation sexuelle, notamment en dehors de l’Ile de France.
A la « veille » de la présentation du prochain Plan national de prévention et de lutte contre la traite des êtres humains (annoncé par Madame la Ministre il y a quelques jours d’ici fin 2024) nous souhaitons que celui-ci intègre une amélioration de ces statistiques et que des moyens soient attribués pour aider les associations car cette enquête demande du temps, des logiciels adaptés, une formation. Des collaborations entre pays pourraient permettre d’améliorer les statistiques nationales et d’avoir un regard européen et international plus affiné sur le phénomène. Des fonds européens existent mais sont aujourd’hui trop compliqués à obtenir. La MIPROF doit être un facilitateur pour y accéder.
Au-delà des chiffres présentés aujourd’hui, il est nécessaire de réaliser ensemble des recherches-actions sur certaines thématiques liant constat et analyse de la société civile et des institutions (traite des bébés, développement de la traite dans les crises environnementales, traite et internet : enjeux et défis…).Nous avons pu mesurer en 2022 lorsque les ukrainiens déplacés par la guerre sont arrivés en France combien une recherche action « la traite des êtres humains dans les situations de conflits et post-conflits- fruit de l’action de certaines de nos associations dans l’espace euro-méditerranéen nous a aidés à s’engager immédiatement auprès des Ukrainiens à risque d’exploitation et combien cela devrait aujourd’hui bénéficier à d’autres personnes arrivant de pays en guerre.
C’est donc un appel à passer d’études statistiques à un véritable observatoire de l’exploitation et la traite des êtres humains sous toutes ses formes que nous lançons ici.
Concernant le lancement imminent d’un Plan National d’Action contre la traite, les associations souhaitent une restitution du travail mené par la MIPROF avec les associations en juin, juillet 2023.
Alors que la France est devenue en 2022 pays pionnier de l’Alliance 8.7 il est urgent que la France se dote d’une stratégie ambitieuse de prévention et de lutte contre la traite des êtres humains dotée de moyens adaptés.
Pour conclure, à la veille des Jeux Olympiques 2024 à Paris, nous souhaitons que la MIPROF nous soutienne dans notre initiative de sensibiliser à la traite des êtres humains et de prévoir au mieux l’accompagnement des personnes victimes.
* Madame Bérangère COUILLARD est Ministre Déléguée auprès de la Première Ministre en charge de l’Égalité entre les femmes et les hommes et la Lutte contre les discriminations