Début janvier 2024 aura lieu un procès mettant en cause 7 prévenus pour traite à des fins de commission de délits sur mineurs et incitation à la consommation de psychotropes. Afin de favoriser la prise en considération de la réalité de ce phénomène d’exploitation et de l’emprise qui pèsent sur les victimes, Hors la Rue s’est constitué partie civile.
En octobre 2021, Hors la Rue fait la rencontre de jeunes en errance dans le secteur du Trocadéro lors de maraudes et constate notamment que ces enfants pratiquent le vol de bijoux à l’arraché sur la place du Trocadéro.
Selon les observations de l’association, ces mineurs sont probablement victimes de traite à des fins de commission de délits et sous l’emprise de psychotropes tels que le Rivotril ou le Lyrica fournis par les exploiteurs.
Hors la Rue signale cette situation aux institutions et les autorités lancent alors une enquête qui a pour objet de démasquer ce phénomène d’exploitation, désignant les jeunes non comme des délinquants, mais bien comme des victimes de traite.
Celles-ci sont des enfants marocains qui ont entre 9 et 16 ans, et sont issus de l’immigration clandestine. Les 7 prévenus sont des majeurs algériens en situation irrégulière. Ils sont accusés de traite à des fins de commission de délits et d’incitation à la consommation de psychotropes.
Les victimes n’ont pas porté plainte mais se sont portées partie civile. Elles seront ainsi représentées par un avocat lors du procès et un administrateur ad ’hoc a été désigné.
Mettre en lumière les mécanismes de la traite lors du procès
Ce procès d’ampleur est l’occasion pour Hors la Rue de se constituer partie civile.
L’objectif est de montrer clairement le phénomène d’exploitation et d’emprise subi par les victimes mineures, qui les empêche notamment d’accéder à leur protection et à leurs droits fondamentaux.
Pour l’association, cette forme de traite est un frein réel à l’accomplissement de sa mission de service public.
Considérer ces jeunes comme victimes de traite et non comme auteurs d’actes de délinquance
Dans cette affaire, comme dans la plupart des cas dans l’incitation à commettre des délits, les jeunes n’ont pas conscience d’être victime d’un système d’exploitation malveillant. Ils tentent simplement de survivre et de faire face aux conditions qui leur sont imposées. Ils ne connaissent pas d’autres cadres de vie plus sains.
De ce fait, il est très difficile pour ces mineurs de considérer l’impact négatif que la traite a eu sur eux-mêmes, et donc d’envisager de s’extraire de ce système pour se reconstruire et se réinsérer.
Face à la complexité de ce contexte, la seule solution pour protéger ces enfants est que l’ensemble des acteurs, associations, justice et autorités judiciaires, considèrent ces mineurs comme victimes de traite et non comme auteurs de délits.
Dans le procès en question, si l’exploitation et l’emprise des auteurs sur les jeunes sont entérinées, cela signifie que la société dans son ensemble condamne les exploiteurs et considère ces mineurs comme des victimes d’un système nocif qui les a conduit à pratiquer des actes de délinquance.
Pour les jeunes, cette position de la justice peut les aider à prendre conscience qu’ils ont été utilisés par des personnes malveillantes, et qu’en France, la loi condamne ces actes.
De ce fait, les victimes pourront également mieux appréhender les préjudices qu’ils ont subi et qu’ils ont droit à des réparations en conséquence. Ce sont autant de signaux qui peuvent encourager ces mineurs à entamer un processus de reconstruction et de réinsertion, en dehors du système d’exploitation dans lequel ils ont été pris.
Même si pour ces jeunes, le chemin est souvent long avant de prendre conscience des méfaits du système d’exploitation qu’ils ont subi, et de choisir de s’en extraire afin de se réinsérer, ce sont les conditions indispensables pour les aider à y arriver et à lutter contre la réalité de ce phénomène de traite dans son ensemble.
Association Hors la Rue
Objectif
Depuis 2004 Hors la Rue a pour objectif d’accompagner les mineurs étrangers en danger vers le droit commun (parmi lesquels des mineurs présumés victimes de traite des êtres humains)
3 missions principales
Repérer les mineurs étrangers en danger,
Accompagner les jeunes vers le droit commun
Participer à une meilleure connaissance et prise en charge des problématiques des jeunes que nous accompagnons.
3 modalités d’actions
Des maraudes quotidiennes effectuées par une équipe pluridisciplinaire sur les lieux d’activité, de pause, d’errance et de vie.
Un centre d’accueil de jour.
Des permanences psychosociales en détention auprès de mineurs que nous avons déjà rencontrés en rue, en partenariat avec la Protection Judiciiare de la Jeunesse.
Article écrit en collaboration avec Guillaume Lardanchet, directeur de l'association Hors la rue.