Je m’appelle Lana et j’ai 15 ans.
J’ai quitté la Roumanie pour la France à l’âge de 13 ans.
Voici mon histoire.
Je ne suis qu’une jeune adolescente quand mes parents décident de me marier à Marius.
C’est un garçon de 18 ans qui vit en France, dans une famille connue pour avoir réussi. Belles perspectives pour nous, qui avons du mal à survivre.
Mais une fois en France, je constate que Marius vit dans un bidonville, qu’on appelle le « Platz », dans des conditions très précaires.
Sa famille est redoutée et méprisée de la communauté. Le père semble être le chef ici et fait payer un loyer aux familles du bidonville. Tout le monde le craint.
Dès mon arrivée, on me fait comprendre que je dois m’occuper des plus jeunes enfants, de la maison, et mendier en rue pour faire de l’argent.
Tout cela pour rembourser la dette que je dois à ma belle-famille pour le mariage.
J’essaie de faire honneur à mes parents, alors je travaille du matin au soir, sans interruption. Mais tout l’argent revient au père de Marius.
Quand je n’en rapporte pas assez, il est violent avec moi, m’insulte et me frappe.
Ma situation se complique quand Marius décide d’avoir un enfant avec moi. Il devient agressif et me force à coucher avec lui.
Je finis par tomber enceinte. Mon beau-père continue pour autant à me forcer à travailler. J’ai des douleurs au dos, au ventre… Mais ma belle-famille refuse que je voie un médecin. Je veux fuir. Seulement, je n’ai nulle part où aller et j’ai peur d’être rejetée.
En fin de grossesse, je suis épuisée. Un jour, je fais un malaise et me réveille à l’hôpital.
Le médecin m’explique alors qu’il va devoir me faire une césarienne.
Après l’opération, je retourne au « Platz » et je dois immédiatement me remettre au travail, avec mon bébé à charge.
Jusqu’au jour où la police vient nous expulser du bidonville.
Tout le monde prend la fuite sauf moi qui reste sur place avec mon bébé. J’ai peur et je n’en peux plus de cette vie.
Un policier vient me voir et je lui raconte tout. Je suis très surprise quand il m’explique que je peux être protégée par la justice et que des associations peuvent m’aider à changer de vie. J’accepte et après avoir porté plainte, je suis placée en foyer et scolarisée.
C’est dur de refaire sa vie mais je suis au moins en sécurité, et entourée de personnes qui m’aident à repartir de l’avant.
DES CLEFS POUR COMPRENDRE
La mendicité forcée est une des formes de traite des êtres humains dont la finalité est de récolter les gains de la personne contrainte à mendier. Les victimes sont généralement des jeunes, voire très jeunes enfants, originaires de Roumanie. Ils sont souvent présents sur le territoire avec leur famille ou leur belle-famille. Une très grande précarité et une vie exclusivement au sein de la famille ou de la communauté sont des caractéristiques communes à toutes les victimes.
Qui sont les victimes ?
L’exploitation est presque toujours intrafamiliale : les exploiteurs sont les parents, des membres de la famille, les beaux-parents ou le conjoint. Les recrutements sont donc facilités par cette proximité familiale, et l’emprise exercée sur les victimes n’en est que plus forte.
Des violences physiques et psychologiques sont souvent utilisées pour maintenir l’emprise, et dans le cadre d’une exploitation par le conjoint, des violences sexuelles peuvent aussi avoir lieu. On constate également le dévoiement de certaines pratiques communautaires : mariage avec contre-dot, chantage lié aux enfants…
Dans certains cas, des groupes criminels organisés roumains envoient des enfants ou des familles pauvres en France en demandant le remboursement d’une dette très élevée. Dans ce cas, les membres de la famille qui exploitent sont également exploités.
Les enfants ne se rendent souvent pas compte de la gravité de leur situation, qui peut leur sembler naturelle : ils pensent venir en aide à leur famille, participer à l’économie familiale et n’ont pas conscience de leur statut de victime.
Récemment, des jeunes originaires d’Afrique subsaharienne et forcés à mendier ont été repérés, mais cette exploitation et les réseaux criminels impliqués sont encore mal connus.
Comment les repérer ?
À l’instar des mineurs contraints à commettre des délits, seules les actions d’aller-vers en rue permettent d’aller au-devant de ces enfants, d’appréhender toute la complexité de leur situation et de créer le lien de confiance primordial à un éventuel travail d’accompagnement.
Pourquoi ce phénomène en marge des grands événements sportifs ?
Cette forme d’exploitation est particulièrement lucrative pour les exploiteurs. Elle leur permet de faire courir le risque pénal sur les victimes exploitées auxquelles ils font croire que la minorité amoindrit le risque de poursuites.
Les grands événements sportifs sont des opportunités pour les auteurs de traite qui voient dans l’afflux de touristes un moyen d’augmenter leurs revenus. Les groupes criminels profitent de ces occasions pour développer leur système d’exploitation et recruter de nouvelles victimes parmi les profils vulnérables.
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