Barack Obama estimait la lutte contre la traite des êtres humains être «l'une des grandes causes des droits de l'homme de notre époque ». On l'appelle de plus en plus «l'esclavage des temps modernes », soulignant qu'il est manifestement incompatible avec les valeurs fondamentales de nos civilisations.
La première définition acceptée et internationalement contraignante de la « traite des êtres humains » a été donnée dans le Protocole de Palerme en 2000, qui a jeté les bases de l'action internationale contre la traite. L’expérience montre que la mise en place d’instruments juridiques au niveau régional renforce utilement l’action au niveau mondial. En Europe, le Conseil de l'Europe et l'Union européenne luttent activement contre la traite, en partenariat avec d'autres organisations internationales et la société civile.
La Convention du Conseil de l'Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains, ouverte à la signature le 16 mai 2005, a été ratifiée par 46 des 47 États membres du Conseil de l'Europe, et par le Bélarus. Elle a réussi à rassembler autour de normes et d’objectifs communs les pays d’origine, de destination et de transit.
Au-delà des poursuites engagées contre les trafiquants, elle adopte une approche axée sur les victimes : le droit d'être identifiées, assistées, protégées de nouveaux abus, indemnisées, de retrouver leur dignité.
Elle impose aux États de prendre des mesures efficaces (prévention, protection, assistance). L’application de la Convention est contrôlée par un groupe d’experts indépendants et impartiaux, le GRETA. Il réclame aux États des changements juridiques, politiques et pratiques, au bénéfice de milliers de victimes en Europe. Ses recommandations se reflètent dans les stratégies et les plans d’action nationaux, sont citées dans les décisions de justice et sont suivies de la création de nouveaux centres d’accueil et services pour les victimes.
Plusieurs arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme ont montré l’actualité de l'article 4 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme (CEDH), qui interdit servitude, esclavage et travail forcé.
Dans l’affaire Siliadin c. France (2005), la Cour a décidé que les travailleurs domestiques migrants pouvaient être sujets de « servitude ».
Dans l'affaire Rantsev c. Chypre et Russie (2010), la Cour a statué que la traite à des fins d'exploitation sexuelle relevait de l'article 4 de la CEDH.
En plus, dans l'affaire Chowdury c. Grèce (2017), la Cour a conclu pour la première fois à une violation de l'article 4 de la CEDH en matière de traite à des fins de travail, estimant qu'une restriction à la libre circulation n'était pas une condition sine qua non pour établir une situation de travail forcé ou de traite.
La France a ratifié la Convention en 2008 et a été évaluée par le GRETA à deux reprises (Rapports de janvier 2013 et de juillet 2017).
La troisième évaluation aura lieu 2020, avec pour objectif thématique l’accès des victimes de la traite à la justice et des recours efficaces.
Lors de la première évaluation, la France ne disposait pas de plan d'action national, ni de stratégie de lutte contre la traite des êtres humains, contrairement à la plupart des autres parties à la Convention. À la suite de cette première évaluation, le gouvernement français a créé, en janvier 2013, la MIssion Interministérielle pour la PROtection des Femmes victimes de violences et la lutte contre la traite des êtres humains (MIPROF).
La rédaction du premier plan d'action national de lutte contre la traite des êtres humains en France (2014-2016) a été menée par la MIPROF, en consultant les parties concernées ; le plan a été adopté par le Conseil des ministres le 14 mai 2014.
Entre la première et la deuxième évaluation du GRETA, le cadre législatif de la lutte contre la traite des êtres humains en France a considérablement évolué.
La disposition du Code pénal relative à la traite des êtres humains (article 225-4-1) a été modifiée, selon les recommandations du GRETA. En outre, des changements renforçant les droits des victimes de la traite ont été introduits dans la loi no. 2016-444 du 13 avril 2016 sur le renforcement de la lutte contre la prostitution et l'assistance aux personnes en situation de prostitution.
Lors de la deuxième évaluation (septembre 2016), des mesures envisagées dans le plan d’action national français avaient été partiellement, ou pas encore, mises en œuvre.
Le GRETA a alors conseillé de procéder à une évaluation indépendante de la mise en œuvre de ce premier plan, de mesurer son impact et de planifier de futures mesures. Ce plan a expiré : la France ne dispose d'aucun document politique pour guider les efforts. Certaines recommandations du GRETA devraient faire l’objet du nouveau plan d’action, notamment l’instauration d’un mécanisme national de référence pour identifier et assister les victimes de la traite, quelle que soit la forme de l'exploitation, impliquant les organisations de la société civile concernées et bénéficiant d'un financement adéquat.
Les 11 et 12 février 2019, le GRETA a organisé des entretiens de haut niveau avec les autorités françaises pour stimuler la mise en œuvre de ses recommandations.
Le GRETA a souligné l'importance de la transparence du processus de préparation du nouveau plan et de la consultation de la société civile.
Il est également essentiel d'intégrer la lutte contre la traite dans les politiques d'asile, de migration et de protection de l'enfance, et de fournir des ressources financières et humaines suffisantes. Un engagement politique clair est nécessaire pour renforcer ces efforts en suivant l'approche fondée sur les droits de l'homme de la Convention du Conseil de l'Europe.
Note de la rédaction : le second Plan d'Action National contre la traite a été présenté en France par le ministère concerné le 18 octobre 2019.
Petya Nestorova, directrice exécutive du GRETA