
Récemment, le COFRADE a animé une formation-action auprès de 5 associations engagées sur le terrain dans les jungles de Calais et Dunkerque, à l’approche motivationnelle et expérientielle. L’objectif était de permettre à ces acteurs d’adapter et mettre en pratique cette méthode auprès des mineurs non accompagnés afin de favoriser leur adhésion aux dispositifs d’accompagnement et d’insertion proposés.
Un public réfractaire à l’insertion en France
Les jeunes "mineurs non accompagnés" survivant à Calais et à Dunkerque sont difficiles à accompagner. Ils ont peu de demandes, si ce n’est face aux besoins primaires, comme ceux d’avoir un hébergement, des vêtements chauds ou de la nourriture, mais ils n’adhèrent que très rarement aux propositions des professionnels destinées à l’insertion en France. Et ce pour de nombreuses raisons :

Pour toutes ces raisons, ces adolescents ne comptent que sur eux-mêmes pour réussir de l’autre côté de la Manche.
Tels sont leurs objectifs et ils sont prêts à utiliser tous les moyens qui se présentent à eux pour gagner l’argent attendu.
Et pourtant, ce sont des jeunes qui ont principalement besoin d’accompagnement pour soigner leurs traumatismes, se reconstruire, former un vrai projet de vie et avoir une chance de s’insérer dans la société, mais cela n’est pas leur priorité.
Côté institutions françaises, les objectifs sont tout autre. Il s’agit de protéger ces enfants en danger face aux terribles conditions de vie, face aux diverses formes de traite dont ils sont les victimes, et face aux traversées illégales en camion ou bateau.
Une approche sans jugement, centrée sur l’adolescent
C’est pourquoi l’approche motivationnelle et expérientielle, qui a fait ses preuves avec des jeunes sans demande, dans les Consultations jeunes consommateurs et à l’ACPE auprès d’un public de mineurs exploités prostitutionnellement, semblait intéressante à partager aux associations engagées sur le terrain à Calais et Dunkerque.
Comme les professionnels le font déjà, il s’agit tout d’abord d’établir un lien positif avec le jeune, en s’intéressant à lui plus qu’à la conduite à risque qui préoccupe les adultes : qui il est, quelles qualités et capacités font sa fierté, quelles sont ses motivations, ses affinités, ses émotions…
L’approche motivationnelle va ensuite essayer, à partir de ces éléments, de donner envie au jeune de voir et vivre « autre chose », dans l’espoir qu’il adhère à un projet présentant moins de risques, que les professionnels pourront soutenir.
Cette approche est aussi expérientielle car le dialogue passe par le jeu, la mise en situation, dès lors que cela est possible vues les conditions de vie dans les campements. La relation est facilitée car elle n’est pas vécue comme une confrontation avec l’adulte, mais une expérience ludique à travers laquelle l’adolescent va pouvoir parler de lui, exprimer son ressenti, ses besoins, ses désirs de façon naturelle.
Quand elles sont possibles, ces activités permettent un « pas de côté » et une réflexion… sur les rêves, les pressions et l’exploitation subies…
Les 5 associations de terrain à Calais et Dunkerque qui ont bénéficié de la formation-action, doivent poursuivre le travail pour adapter et tester ces approches. Même si elles ont donné des résultats précédemment auprès des adolescents consommateurs de produits et/ou exploités sexuellement, la difficulté avec les mineurs non accompagnés de Calais et Dunkerque réside dans le statut de « transit » qu’ils se donnent eux-mêmes. Les professionnels ont ici un défi de taille.
Article écrit en collaboration avec Hélène David, responsable du pôle d’accompagnement psycho-éducatif adosexo à l’ACPE, qui a amené l’approche motivationnelle, expérientielle et familial validée en addictologie et utilisée à l’ACPE.