La Mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains (MIPROF) et l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP), en partenariat avec les associations du Collectif « Ensemble contre la traite des êtres humains », conduisent depuis 2017 une enquête annuelle collectant des données sur les victimes de traite des êtres humains suivies par les associations en France.
Les résultats de la quatrième édition de l’enquête procurent des informations sur le profil de plus de 2 500 victimes suivies par 37 associations et établissements en 2019.
La collecte de données en 2020 a été particulière en raison de la situation sanitaire liée à l’épidémie de la Covid-19. La complétion du questionnaire par les associations en a donc été impactée pour cette édition.
Principaux résultats de l’enquête
Pour cette quatrième édition, le nombre de victimes repérées a pu être comptabilisé.
Il correspond à l’ensemble des victimes ayant eu un contact avec une association et pour lesquelles une situation de traite a été présumée, qu’elles aient été accompagnées par une association ou non.
En 2019, les associations ont repéré 6 457 victimes, dont 40 % ont bénéficié d’un accompagnement (soit 2 573 victimes).
Le nombre de victimes repérées varie selon les formes d’exploitation et leur visibilité
Ainsi, 82 % sont repérées en tant que victimes d’exploitation sexuelle, dont 36 % ont été suivies par une association. À l’inverse, les victimes d’exploitation par le travail représentent 13 % des victimes repérées, et 58 % d’entre elles ont été accompagnées par les associations. Cette faible proportion peut s’expliquer par la particularité de cette forme d’exploitation, qui se déroule souvent dans un lieu privé.
Plus généralement, les données sur les victimes de traite des êtres humains sont similaires aux autres éditions.
Les femmes sont toujours majoritaires parmi les victimes (82 %). Cependant, on note une légère augmentation des victimes transgenres (1 % en 2018 à 3 % en 2019). Les victimes mineures accompagnées représentent 8 % de l’ensemble des victimes.
L’étude révèle par ailleurs qu’un cinquième des victimes suivies par les associations ont été exploitées durant leur enfance.
Les résultats de l’enquête démontrent une nouvelle fois que la traite des êtres humains est un phénomène mondial.
En effet, les victimes accompagnées par les associations en France sont originaires de 71 pays différents, le Nigéria restant le principal pays d’origine, suivi par la Roumanie, le Maroc, l’Algérie et la France.
Cette quatrième édition est marquée par une augmentation du nombre de victimes originaires d’Amérique latine et des Caraïbes (98 victimes en 2019).
En 2019, les associations ont détecté d’autres formes d’exploitation que celles citées dans l’enquête pour 32 victimes (soit 1 %)
La principale autre forme d’exploitation déclarée est le mariage forcé, et concerne majoritairement des femmes majeures, originaires de Guinée et de Côte d’Ivoire.
Comme les années précédentes, les victimes sont invisibles des forces de sécurité et peu reportent les faits auprès des autorités judiciaires
28 % ont déposé plainte auprès des forces de l’ordre et/ou du procureur pour traite des êtres humains.
Lorsque le questionnaire a été renseigné sur les suites données aux plaintes, il ressort que peu d’entre elles ont fait l’objet de poursuites sur l’infraction de traite.
A titre d’exemple, seules un quart des plaintes déposées par les victimes d’exploitation par le travail ont été poursuivies pour traite, et 32 % des plaintes des victimes exploitées par le travail domestique ont été classées sans suite.
Pour demain
Les résultats annuels de l’enquête sont souvent présentés au cours de conférences ou séminaires en France ou à l’international, ce qui permet de la faire connaître et de partager notre expertise sur la collecte de données auprès des associations.
Elle a été par exemple présentée lors d’un séminaire auprès de bénévoles de la Croix-Rouge française ou encore lors d’une conférence sur la traite des enfants dans l’espace euro-méditerranéen organisé par Caritas au Kosovo.
Lors de la prochaine édition de l’enquête, une attention particulière sera portée à l’accompagnement des victimes lors du confinement.
La suppression de l’ONDRP d’ici la fin de l’année 2020 va entraîner des changements structurels sur la conduite de cette enquête.
La MIPROF mettra tout en œuvre pour que l’enquête perdure tel que prévu au 2nd plan d’action national contre la traite des êtres humains 2019-2021.
À cet effet, dès début 2021, un groupe de travail consacré aux données sur la traite, rassemblant associations et administrations, sera mis en place.